J’avais cinq ans, j’étais assis dans l’herbe folle
Je regardais à travers un frêle grillage
Un jardin lumineux comme une auréole
Où de grandes fleurs étaient de vivantes images
Fleurs paradisiaques siroteuses de vase
Femmes sans yeux aux éclatants maquillages
Miraculeux mirage proche de l’extase
Leur voix, bruit de la mer dans un coquillage
Dans le jardin, Annie de cinq ans mon aîné
Célébrait une messe dédiée au soleil
Avec des fleurs de verre d’eau déjà fanées
Où oscillait dans l’eau claire un arc-en-ciel
Près d’elle un grand massif, tombe de Blanche Neige
Où la magie rayonnait de son sommeil
Arracher une fleur fut un sacrilège
Qui me condamnerait à un rêve éternel
Celui que le ciel m’enferme dans un piège bleu
Et d’où je descendrais comme prince de lumière
Habillé d’un printemps amnésique et lumineux
Caresser d’une douce chaleur les grands lierres
Autour d’Annie un papillon jaune dansait
Ange étourdi échappé de ses yeux bleus
Une libellule sur un lupin se balançait
Près d’un arrosoir rempli de larmes des cieux
Annie une couronne d’aubépine sur la tête
Observait le ciel comme un grand grimoire
Ses cheveux flottaient dans l’air, rubans de fête
Belle et sublime image sortant d’un miroir
Dans le jardin, un lilas orgue de parfum
Jouait des couleurs, dans des mauves en dièse
Des tulipes l’entouraient d’un manège sans fin
Leurs notes roses et beiges accordaient leur arpège
S’avoir imaginer c’est avoir du talent
S’avoir regarder c’est avoir du génie.