ils sont vingt quatre et
je ferai bien le vingt cinquième;
je resterai là, brassé par les saisons
ignoré des hommes
arpenté par les rubiettes;
je m'y vois déjà
méandrant dans le caillou de l'île
à la recherche d'une source
épargné par la bêtise de la sapiens
étirant ma charpente pour compter les marées;
pour moi l'amour sera dans l'air et
je ne craindrai plus les lendemains,
demain ! j'en ferai mon quignon de pain
puisque je la verrai traverser la place chaque matin;
mes fruits pourrons même faire trempette au soir
dans une faïence écoquée et dévaler dans sa gorge si vibrante,
dans son ventre à l'orbite parfait,
peut être même qu'elle prendra plaisir à me savoir en elle
simple prommeneur arômatisé...
pourtant il n'en saura jamais rien mon bel automne,
mon or brun, ma tourbe !
les autres tiliacés me traitent d'apostat, d'herbe folle !
ils prétendent qu'à force de regarder au loin
même les vents refuseront que je prenne racine,
les mauvaises graines ...
alors que moi l'immobile
le simple d'esprit, le commencement d'un muscle, le pénitent
je fais de l'ombre sur mon utopie
je la tiens au frais parce que ses sourires sont du cirro
de l'alto, du cummulo
que sa tristesse est la mienne, doublement,
la moindre de ses larmes
je la bois,
j'en extrais le sel, j'en fais mon épice;
alors comment être son embarcadère
sans la prendre dans mes bras ?
comment éroder ses doutes sans caresser son corps ?
comment l'emmener ailleur sans lui parler d'amour ?
j'en pleure, là, au milieu de mes pierres mais
je vais me taire
je vais me contraindre pour que cet amour la laisse en paix;
il y a vingt quatre tilleuls qui chaques jours veillent sur elle,
je suis le vingt cinquième.